BioConclusions :

Un catalogue de bonnes intentions – mais rien de plus !

Stop Roundup apprécie le fait que le gouvernement jurassien sente la nécessité de réagir par rapport à la pollution de l’environnement par des pesticides et des risques encourus par la population.
Le document présenté n’est pour le moins pas très courageux face à l’urgence actuelle. La population suisse donne à ce sujet une importance particulière, en témoigne entre autre le temps record utilisé pour récolter les signatures nécessaires pour l’initiative « Pour une eau potable propre ».
Dans l’ensemble, le programme présenté démontre que les autorités ont in- suffisamment pris la mesure du problème, et cherchent à l’intérieur du carcan des lois fédérales les moyens de réaliser certaines choses, sans trop dé- ranger les acteurs économiques concernés.
Un aspect nous frappe et nous inquiète, la faiblesse des mesures, dictée par des choix économiques et la volonté de ne pas se positionner fermement par rapport à l’emploi de pesticides dans notre canton. Ce choix est lourd de conséquence. Refuser de prendre des mesures sur le plan de la santé de la population est dangereux pour l’avenir de nos enfants.
Nous ne sentons pas la volonté de prendre le problème en charge, il s’agit en fait d’un catalogue de bonnes intentions. La faiblesse des propositions trahit un manque de prise de conscience des autorités de l’urgence à laquelle nous devons répondre. Peu de propositions précises, le flou sur la participation des communes, aucune planification, pas de priorité, pas de budget alors qu’un effort financier et politique est urgent.
La santé n’est pas une variable d’ajustement, en mettant les priorités sur d’autres aspects. En acceptant des risques sur la qualité de l’environnement, le canton s’expose au danger d’avoir à faire face dans l’avenir à un scandale sanitaire de grande ampleur.
La réponse des autorités face à la question de la dégradation de notre environnement nous prouve - une fois de plus - la nécessité d’organisations comme la nôtre.

Remarques spécifiques pour les différents points du rapport du Gouvernement.

Herbicide

Point 0. Terminologie.

Appeler un chat un chat.

Le canton cède devant la terminologie fédérale, en acceptant le « glissement sémantique » sur le terme phytosanitaire. Ce terme donne une idée de soins avec le suffixe « sanitaire » qui sous-entend que les produits sont à considérer comme des médicaments. Il faut rappeler – comme le document le précise en p. 8 point 7.1 sous constat-, ces produits sont destinés à tuer des organismes vivants. Dans le cas qui nous occupe, il faut utiliser les termes d’herbicide, insecticide, pesticide ou phytotoxiques.

Point.1. Intro et principe de base

Tout bouger pour que rien ne change.

Intro, paragraphe 2 : Le Conseil fédéral vise à l’utilisation durable des pesticides…
Ceci n’empêche par la présentation de rappeler les risques encourus par la population. En plus de la motion no1158 cité dans le rapport, nous rappelons que le parlement jurassien a accepté une initiative cantonale « Glyphosate et le principe de précaution » en janvier 2018.

Point.1.1

Hâte-toi lentement.

Si l’évolution vers un avenir sans pesticide (première contradiction) ne peut être vue dans un court terme, nous pouvons l’accepter, mais avec une exploitation sur 5 qui est Bio dans le canton, il est temps de mettre le paquet sur un changement. Du point de vue efficience et durabilité, le bio bat nettement les cultures de l’agriculture industrielle. Que nous sachions, les exploitations bio ne sont pas en faillite, mais au contraire elles ont mis en pratique des solutions qui pourraient, avec un effort du canton, permettre aux autres exploitants de faire des avancées très importantes dans cette direction. Quant au changement de paradigme, il est visible dans certains milieux de la population, le canton doit donner un message plus fort et plus clair par des mesures incitatives très visibles.

Point 1.2

Le Jura n’est pas différent, à une seule exception… 
le sous-sol karstique.

La situation particulière du Jura ne l’est pas tellement, tous les cantons en Suisse ont des milieux très différents concernant l’agriculture. Par contre ce que le projet ne dit pas, c’est la caractéristique du Jura qui repose sur un sol karstique, qui ne filtre pas l’eau ou insuffisamment. Cette particularité rend encore plus urgentes les mesures à prendre pour protéger notre eau potable.
Le passage au bio peut être accompagné par toute une série de mesures qui peuvent plutôt renforcer la place de notre agriculture et la rendre plus compétitive. Il est évident que le milieu agricole doit être suivi et aidé dans cette évolution. Il n’est d’ailleurs pas certain que la production en bio ait un rendement inférieur, soit en quantité, soit sur le plan économique vu le prix des intrants. Une étude sur cette question pourrait nous apporter des informations importantes.
Si la mise en œuvre de la politique agricole 2022 requière des efforts considérables pour les exploitants, que dire de ceux qui ont évolué vers la production biologique ?

Point. 2 Objectifs du Programme Jura

Intro. Ne rien bousculer, allons-y prudemment.

Un problème de l’ampleur de celui qui nous occupe ne peut se faire sans un effort financier important, il en va de la santé de la population. En visant la neutralité des coûts nous nous enlevons une grande partie de nos moyens et le canton se contente d’objectifs vagues et mal définis.
L’Etat devrait encourager les communes à lutter contre l’utilisation de pesticides. La collaboration avec les communes pourrait aussi déboucher vers des actions qui aident à la reconversion vers le bio avec par exemple un label « commune sans pesticide ». Ceci serait un argument pour soutenir le commerce de proximité. Les communes ont-elles été consultées sur le rôle qui est prévu ?
La question des micropolluants dans les eaux usées est un autre problème. D’ailleurs les citoyens du canton seront très contents d’apprendre que nos eaux usées en seront débarrassées … à la sortie du canton !

Point. 3 Situation sanitaire et environnementale

D’abord manger, la santé vient après !

La sécurité alimentaire employée comme argument pour maintenir l’emploi des pesticides ne prend en compte que l’élément quantitatif, or, les aspects qualitatifs ont tout autant d’importance. La situation sanitaire inclut d’abord la santé de la population du canton.
Les doutes sur la nocivité des produits utilisés ne sont plus à mettre en cause, de nombreux tribunaux (le tribunal Monsanto par ex.) ont rendu des jugements sans équivoque. Continuer dans cette attitude d’attentisme par rapport aux pesticides nous rend finalement complices des entreprises qui les produisent.
Par contre l’attitude du canton -par ses autorités- vis-à-vis de la Confédération est positive, et ceci est à relever. Notre canton peut et doit jouer un rôle moteur dans la transition vers une agriculture sans pesticides. La motion d’Erica Hennequin doit être défendue par nos nouveaux parlementaires.
Stop Roundup observe un changement dans la communication du canton : dans la lettre du gouvernement du 15 mai 2018, celui-ci s’appuie sur l’avis de l’OFAG que « le glyphosate ne présente pas de risque pour la santé », tandis que le rapport affirme que « la question de la cancérogénicité du glyphosate n’est toujours pas tranchée ».

Point. 4 Situation mondiale

Ras.

Point.5 Politique fédérale

Nous attendons les effets de la nouvelle composition du Parlement pour voir venir.

Point.6 Constat Jura

Grâce à leurs efforts, les communes reçoivent la patate chaude !

Point.6.1

Du travail en plus, mais qui paie ?

Les communes donnent le ton. Il est important de prendre toutes les mesures possibles dans le cadre des lois en vigueur. Il faut « faire le plein » des droits.

Traitement

Point.6.2

La diversité des milieux n’est pas une difficulté propre au Jura.

Le conseil de terrain ne doit en aucun cas être laissé aux mains des fabricants des produits. Il y a un fort conflit d’intérêt entre les objectifs du gouvernement de protection de la santé de la population et les visées commerciales des fabricants de pesticides. Nous mesurons là un des premiers effets négatifs de la volonté de la neutralité des coûts. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si certains pays interdisent aux entreprises d’intervenir auprès des producteurs.

Point.6.3.

Des contrôles sans laboratoire dans le canton ?

Toutes les mesures proposées impliquent des contrôles et des mesures fréquentes. Sans laboratoire cantonal, nous partons déjà avec un atout de moins.

Point 7. Mesures

Point.7.1 Utilisation des pesticides par des particuliers.

Les pesticides sont des poisons à ne pas laisser dans toutes les mains.

L’utilisation des pesticides ne peut être laissée aux particuliers, alors que les professionnels ont eux besoin d’un permis. En attendant l’arrêt de l’utilisation, il est impératif que ces épandages soient réalisés par des professionnels et de les interdire dans le commerce.
Il est difficile d’imaginer un débat « constructif » sur les pesticides.
Stop Roundup demande que la prise de conscience dans la population de la toxicité des substances se fasse à l’aide de panneaux signalant l’utilisation de pesticide sur des parcelles, comme proposé dans notre lettre au gouvernement en janvier 2019.

Point.7.2 Les pratiques des professionnels en zone bâtie

Le contrôle des pros peut se faire lors de l’obtention du permis. Pourquoi ne pas exiger l’inscription à une association de branche pour délivrer des pesticides ?
Stop Roundup demande que les professionnels soient tenus à porter des habits de protection et des masques respiratoires en appliquant des pesticides.

Point.7.3 Utilisation des pesticides dans l’agriculture.

Surtout ne pas froisser, éviter les excès pour ne pas troubler l’opinion publique

Les mesures préconisées sont positives. Comme l’indique le constat, le respect strict de la législation est très difficile à contrôler, mais ceci est d’autant plus important. Il suffit du non-respect d’un seul utilisateur pour jeter le discrédit sur l’ensemble des agriculteurs. Nous sommes critiques sur l’usage des pesticides, mais notre premier souci est la santé des utilisateurs.
Nous sentons la volonté de ne pas heurter les exploitants agricoles dans la recherche de solutions. Le principal souci est de gérer pour éviter les dérives, mais nous ne découvrons aucune incitation ferme ni à diminuer ni à cesser l’utilisation de pesticides.
Les contrôles doivent être menés de pair avec les associations agricoles, par des experts indépendants venant des milieux de la protection de l’environnement et de la qualité des eaux.

Point.7.4 Vulgarisation indépendante sur l’utilisation de pesticides.

Toutes les mesures préconisées sont basées sur une utilisation des pesticides qui va continuer dans l’avenir. En fait, au lieu de préparer la transition, on gère la situation pour ne choquer personne. Donner des conseils ne suffit pas alors qu’il serait nécessaire de donner des directives précises assorties de sanctions en cas de non observation. Il faudrait par exemple rendre obligatoire que chaque intervention avec des pesticides doive être enregistrée numériquement par l’utilisateur.
Le refus implicite de prendre en compte la pratique et l’expérience de l’agriculture biologique dans ce domaine est lourd de signification.
Comme spécifié plus haut, nous ne croyons pas à un plan indépendant, qui serait mis sur pied en s’appuyant sur les conseils des fabricants de produits.
Gare à la bombe, la résistance végétale s’organise !
Il est important de rappeler aux utilisateurs d’herbicide que depuis leur utilisation, chaque année de nouvelles espèces végétales deviennent résistantes. Ceci illustre parfaitement le fait que cette pratique n’est pas durable et conduit à un grave déséquilibre sanitaire et environnemental. Il convient aussi de se poser la question des espèces dites « nuisibles » dans les cultures.

Point.7.5 Utilisation de pesticides en forêt

Stop Roundup souhaite connaitre les résultats et le suivi de ces contrôles de la cyperméthrine et autres produits sur les cours d’eau. Le député Luc Maillard déposait en 2001 une intervention afin de demander qu’une étude soit réalisée par rapport à ces procédés utilisés. Cette étude pourrait se faire dans le cadre du Programme Produits Phytosanitaires. De plus, plusieurs expériences en Suisse ont permis d’aboutir à un résultat prometteur : par exemple, éviter de traiter les chantiers de grumes lorsque ceux-ci ont été coupés et façonnés au bon moment de l’hiver, ceci mériterait au moins réflexion. Pour un coût supportable, bâcher les chantiers qui doivent être stockés en forêt serait à étudier de manière plus approfondie.
De plus, 95 % des communes du canton ont adhéré à la certification (label) FSC et Q +. On sait depuis quelque temps que ces labels vont interdire tous traitements chimiques en forêt.
Alors que fera-t-on dans l’urgence ? Prenons au moins l’option d’étudier les possibilités qui ont été testées.
L’office de l’environnement délivre des permis de traiter les grumes lorsque ces chantiers se situent en dehors de zone de captage. Les produits utilisés sont répertoriés, mais qu’en est-il des produits utilisés en direct par toute la filière bois (scierie et autres) ?

Point.7.6 Surveillance de l’environnement

Nous en savons déjà assez pour agir !

Une campagne qui se résume à mesurer la pollution une fois qu’elle est faite, ne peut nous satisfaire. Où trouver la volonté de chercher les sources de pollution et de les éradiquer ?
Pour des raisons de santé et de préservation du milieu ambiant, il est impératif que les mesures dans les eaux de surface des produits d’origine agricole soient combinées avec celles des eaux usées provenant des ménages et des industries. Rappelons que l’agriculture n’est pas seule responsable de toutes les pollutions.
Dans ce domaine la volonté de la neutralité des coûts met une embuche de plus dans le projet. Et que dire quand on projette des contrôles et de la surveillance sans un laboratoire cantonal !
Stop Roundup rappelle que les substances testées dans le cadre du programme NAWA ne correspondent que peu aux substances actives les plus utilisées dans l’agriculture jurassienne (voir notre lettre du 31 août 2019). Il est indispensable que les prochains tests se fassent sur les produits effectivement utilisés dans le Jura.

Eau non potable

Point.7.7 Surveillance des micropolluants dans l’eau potable

Il ne suffit pas d’informer en cas de pollution !

Le projet est muet sur les mesures prévues en cas de pollution avérée et dont la source est déterminée.
Certains polluants ne sont pas visés par les analyses, il est important que les milieux de la santé, et le monde médical et scientifique puisse intervenir dans le choix des produits recherchés.
Immanquablement les pesticides vont finir dans nos robinets. Et nous ne pouvons pas, à l’instar des produits cosmétiques, vestimentaires ou agricoles, choisir notre eau potable.
Il ne suffit pas d’informer seulement les fournisseurs d’eau sur les mesures prises, elles doivent devenir partie prenante de l’effort.
Stop Roundup constate que les objectifs du canton ne volent pas haut : le but par rapport à la qualité d’eau s’arrête à l’idée « du moins de ne pas la péjorer ».

8. Aspects financiers

Pas de sous mais des « adaptation qualitatives »

Avec des contrôles quadriennaux qui coûtent 20-. Frs par année aux exploitants, on ne peut pas dire que le canton et la branche mettent les bouchées doubles. Les calculs d’épiciers ne sont pas de mise devant un problème de cette ampleur. Nous attendons la mise sur pied d’un budget important pour un engagement résolu qui seul peut apporter des résultats concrets.
Nous jugeons indispensable que l’accent soit mis sur les aspects environnementaux pour des raisons sanitaires d’abord, ensuite pour donner à la nature la meilleure chance de s’adapter aux changements qui vont survenir.
Rappelons que les exploitations bios sont contrôlées chaque année à des coûts bien plus élevés.

Groupe STOP Roundup Jura
Case postale 90
CH-2800 Delémont